10–15 minutes

Traduction, relecture et conférence
Translation, rereading, and a talk

La conférence de la traductrice Kim Nan-ju / Kim Nan-ju’s Translation Talk

J’ai été invitée par hasard à la conférence « 번역의 뒤안길 » (« les coulisses de la traduction ») de Kim Nan-ju grâce à un tirage au sort sur les réseaux sociaux. 😎

Même sans invitation, j’y serais allée.

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I recently attended the talk titled〈번역의 뒤안길〉 (“Behind the Scenes of Translation”) by the translator Kim Nan-ju, thanks to a lucky SNS event.

Even without the invitation, I would have gone.

Une grande partie de la littérature japonaise que j’ai lue à l’école m’est parvenue à travers ses traductions !

C’est grâce à elle que j’ai pu lire des livres écrits dans une langue que je ne comprenais pas encore. (merci 🙏)

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A large part of the Japanese literature I read as a student came to me through her translations — she was the one who made it possible for me to read books written in a language I didn’t yet understand. 🙏


Quand la littérature japonaise est vraiment arrivée en Corée / How Japanese literature found its way into everyday life in Korea

La traductrice a commencé par replacer son travail dans un contexte plus large.

Au début des années 1990, avec l’entrée dans une période de gouvernement civil, les traductions de littérature japonaise ont commencé à se développer plus visiblement en Corée.

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She began by situating her work within a broader context.

In the early 1990s, as Korea entered a period of civilian government, Japanese literary translations started to gain more visibility.

ⓒ millie – 밀리의 서재

C’est aussi à ce moment-là que certains auteurs ont été introduits au public coréen et ont peu à peu trouvé leurs lecteurs.

Plus tard, d’autres écrivains ont suivi, et certains genres — comme le roman policier — ont fini par s’imposer durablement.

Pour moi, ce contexte n’avait rien d’abstrait.

C’était exactement l’époque de mes années d’école, celle où les livres de Yoshimoto Banana circulaient discrètement entre les pupitres, presque comme un secret partagé.

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This was also when certain authors were first introduced to Korean readers and gradually found their audience.

Over time, more writers followed, and some genres — particularly mystery novels — became firmly established.

For me, this wasn’t abstract literary history.

It was exactly my school years, when Yoshimoto Banana‘s books quietly circulated among classmates, almost like a shared secret.


Haruki Murakami : de la distance à l’engagement / from detachment to commitment

Selon Kim Nan-ju, l’écriture de Murakami a connu une évolution sensible avec le temps.

Au début, ses textes semblaient tenus à distance du monde, presque détachés de toute réalité historique.

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According to Kim Nan-ju, Murakami’s writing has gradually shifted over time.

In his earlier works, there is a clear sense of distance — a kind of separation from historical or social reality.

Puis le récit a pris plus de place, jusqu’à un moment de bascule au milieu des années 1990.

À partir de là, les événements du monde réel — et notamment les traumatismes collectifs vécus au Japon — ont commencé à apparaître plus clairement dans ses romans.

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Gradually, storytelling became more central, leading to a turning point in the mid-1990s.

From that moment on, real-world events and collective trauma in Japan began to surface more clearly in his fiction.

Murakami est alors passé d’une posture de détachement à une forme d’engagement plus visible.

Kim Nan-ju a ajouté une remarque qui m’a particulièrement marquée :

« Murakami utilise des mots simples pour raconter des choses difficiles.
Pour le traduire, ce n’est pas la langue qui est difficile, c’est le contenu. »

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Murakami moved from a stance of detachment toward a more visible form of engagement.

Kim Nan-ju summed it up with a comment that stayed with me:

“Murakami tells difficult stories using simple language.
Translating him isn’t linguistically difficult— the difficulty lies in the meaning.”


Yoshimoto Banana : des phrases à mailles larges / loosely woven sentences

Elle a parlé de Banana avec beaucoup de sympathie.

Son écriture, a-t-elle expliqué, n’est pas toujours explicite — ses phrases laissent beaucoup d’espace, une ambiguïté délibérée
qui ne passe pas toujours naturellement en coréen.

Dans ces cas-là, la traduction demande de légers ajustements, non pas pour embellir, mais pour préserver cette fluidité si particulière.

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She spoke about Banana with clear affection.

Banana’s writing, she explained, is not always explicit — her sentences leave a lot of space, a deliberate ambiguity that doesn’t always transfer smoothly into Korean.

In such cases, translation requires small adjustments, not to embellish the text, but to preserve that distinctive sense of flow.

Elle a ensuite raconté une anecdote qui en dit long sur sa manière de travailler.

Un jour, dans un texte qu’elle traduisait, l’auteur·e avait utilisé un mot manifestement incorrect — par exemple « chaise » au lieu de « chemise ».

Devait-elle corriger ?

Elle a posé la question à l’auteur·e — et la réponse a été simple :

« L’erreur fait aussi partie de l’œuvre. Laissez-la. »

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She then shared an anecdote that says a great deal about her approach to translation.

One day, in a text she was translating, the author had used a clearly incorrect word —

for example, “cap” instead of “cup.”

Should she correct it?

She asked the author about it. The answer was simple:

“Leave it. The mistake is part of the work.”

Quant au nom « Banana », ce n’est pas son vrai nom.

Elle s’appelle en réalité Yoshimoto Mahoko, mais elle a choisi très jeune un pseudonyme qui serait simple et reconnaissable partout dans le monde. 🍌

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As for the name “Banana,” it isn’t her real name.

Her actual name is Yoshimoto Mahoko, but she chose a pen name very young — a word meant to be simple and recognizable anywhere in the world. 👏🏻


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Higashino Keigo: le succès venu plus tard / success that came later

Elle a évoqué Higashino Keigo plus brièvement, mais avec une recommandation très claire.

Après des débuts relativement discrets, ses romans ont fini par trouver un large public, notamment avec Secret et La Dévotion du suspect X.

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She spoke about Higashino Keigo more briefly, but with a very clear recommendation.

After relatively quiet beginnings, his novels eventually reached a wide readership, especially with works like Secret and The Devotion of Suspect X.

Parmi ses œuvres, Kim Nan-ju a particulièrement recommandé Shinzanmono(신참자), un roman qui mêle enquête policière et regard profondément humain.

Un équilibre qu’elle juge représentatif de ce que Higashino fait de mieux.

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Among them, Kim Nan-ju specifically recommended Shinzanmono(신참자), a novel that blends mystery with a strong sense of humanity.

An approach she sees as representative of Higashino at his best.


La manière de parler de Kim Nan-ju / Kim Nan-ju’s way of speaking

Out of respect, I’m sharing a sketch version instead of the original photo.

Un détail m’a particulièrement marquée dans sa façon de parler.

Elle parlait lentement, avec de nombreuses pauses, comme si chaque phrase devait être pleinement assimilée
avant de passer à la suivante.

Ses paroles donnaient parfois l’impression d’un texte lu à voix haute.

Ce jour-là, elle n’était pas en grande forme et a donné la conférence assise, mais son discours est resté clair, posé,
et remarquablement attentif à son auditoire.

Il y a eu un moment un peu étrange, lorsqu’une spectatrice a protesté en disant qu’elle était venue « apprendre quelque chose »
et non « répondre à des questions ».
(Personnellement, j’ai été sincèrement surprise par la franchise, presque abrupte, de cette remarque.)

Un court silence a suivi.

Kim Nan-ju, elle, est restée très calme.

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One detail about her way of speaking stayed with me.

She spoke slowly, with many pauses, as if each sentence needed to be fully absorbed before moving on to the next.

At times, her voice almost sounded like text being read aloud.

That day, she wasn’t feeling well and gave the talk seated, yet her speech remained clear, composed, and attentive to the audience.

There was a slightly awkward moment when an audience member complained that she had come “to learn something,”
not “to answer questions.”
(Personally, I remember being genuinely surprised by how blunt the comment was.)

A brief silence followed.

Kim Nan-ju remained calm.


Séance de dédicace : mon journal à la place d’un livre / The signing session: my journal instead of a book

Je n’avais pas de livre avec moi, alors j’ai tendu mon journal.

Finalement, c’était le meilleur choix.

Je lui ai simplement dit que, grâce à ses traductions, j’avais lu énormément de littérature japonaise quand j’étais étudiante, et que j’avais beaucoup aimé la conférence.

Un membre du staff m’a proposé de prendre une photo ensemble.

J’ai accepté sans hésiter. ♥️

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I hadn’t brought a book with me, so I handed her my journal instead.

In the end, it felt like the best choice.

I simply told her that, thanks to her translations, I had read so much Japanese literature when I was a student, and that I truly enjoyed the talk.

A staff member suggested taking a photo together.

I accepted without hesitation. 🙇🏻‍♀️😍


Sur le chemin du retour : Kitchen à nouveau / On the way home: Kitchen, once again

En passant par la librairie, j’ai acheté deux livres.

« 키친 (Kitchen) » — le premier roman de Yoshimoto Banana que j’avais lu au lycée, et « 나와 맞지 않는 것을 하지 않는 것 (Don’t Do What Doesn’t Suit Me) », un titre plus récent.

Les deux sont traduits par Kim Nan-ju.

Je savais déjà que je ne les lirais plus tout à fait de la même façon.

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On my way home, I stopped by a bookstore and bought two books.

“Kitchen” — the first Yoshimoto Banana novel I read back in high school, and “Doing Only What Doesn’t Go Against Me” (Korean edition), a more recent title.

Both were translated by Kim Nan-ju.

I already knew I would be reading them differently this time.


À la fin — après avoir relu Kitchen / At the end — after rereading Kitchen

Aujourd’hui, j’ai relu Kitchen de Yoshimoto Banana.

Je suis encore en convalescence à cause de la grippe, presque clouée au lit, et pourtant je l’ai lu d’une traite.

C’est un livre court, mais cette relecture m’a donné l’impression de jeter un regard sur mon propre passé :

la lectrice que j’étais, et ce que j’aimais à l’époque.

Ce n’est plus un genre que je dirais affectionner particulièrement aujourd’hui.

Mais j’ai aimé retrouver la personne que j’étais quand j’aimais ce livre.

Je peux la comprendre.

Et je l’aime toujours.

Avec le temps, nos goûts changent.

Parfois, on relit un ancien coup de cœur et on se dit :

« Vraiment ? J’aimais ça ? »

Même alors, on peut encore imaginer la personne que l’on était, même si l’histoire ne nous touche plus de la même manière.

Relire Kitchen après cette conférence a rendu cette expérience particulièrement précieuse.

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Today, I reread Kitchen by Yoshimoto Banana.

I’m still recovering from the flu and mostly stuck in bed, yet I finished it in one sitting.

It’s a short book, but rereading it felt like quietly looking back at my own past — at the reader I once was, and at the books I loved then.

This isn’t a genre I would say I particularly love anymore.

But I liked the person I was, back when I loved this book.

I can understand her.

And I still like her.

As time passes, our tastes change.

Sometimes we reread a former favorite and think:

“Really? I liked this?”

Even then, we can still imagine the person we were back then, even if the story no longer resonates in the same way.

Rereading Kitchen after this talk made the experience especially meaningful.


Un dernier point — lire une traduction autrement / A final note — reading translated literature differently

One of my favorite passages from Kitchen (Korean edition).

En relisant Kitchen, j’ai ressenti une gratitude renouvelée envers la traductrice.

Bien sûr, le livre aurait pu être traduit par quelqu’un d’autre.

Mais cela n’a pas été le cas.

Ce que j’ai lu, ce que j’ai aimé, c’est la version que Kim Nan-ju m’a donnée.

Lire une œuvre traduite pose toujours une question un peu floue : au fond, de qui lit-on vraiment le texte ?

Après avoir entendu sa voix, son rythme, ses pauses, le texte m’a semblé différent.

Il y a beaucoup de virgules dans Kitchen.

Beaucoup de respirations.

Cela m’a rappelé sa manière de parler.

Je ne sais pas si c’est l’empreinte de la traductrice ou le résultat d’années passées à traduire des écritures pleines de silences.

Mais cette lecture m’a donné l’impression de découvrir une autre version du livre — pleinement assumée en coréen.

Ne lisant pas le japonais, je me demande parfois quel est le goût exact du texte original.

Et naturellement, je suis devenue curieuse de ses traductions en anglais et en français.

Lire Kitchen aujourd’hui, c’était aussi découvrir que ma façon de lire avait changé.

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While rereading Kitchen, I felt a renewed sense of gratitude toward the translator.

Of course, the book could have been translated by someone else.

But that isn’t what happened.

What I read, what stayed with me, was the version shaped by Kim Nan-ju.

When we read translated literature, a slightly blurred question always remains: whose words are we really reading?

After hearing her voice, her rhythm, her pauses, the text felt different.

Kitchen is full of commas.

Full of breathing space.

That reminded me of the way she speaks.

I don’t know whether this is the translator’s imprint, or the result of years spent translating writing that leaves room for silence.

But this time, the book felt like another version of Kitchen — fully realized in Korean.

Since I don’t read Japanese, I sometimes wonder what the original text truly tastes like.

Naturally, that curiosity has now extended to the English and French translations as well.

Reading Kitchen today also made me realize that my way of reading has quietly changed.


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One response

  1. What a wonderful post! I love the way you write in French (and often in Korean) and give an English translation. Today, I read in English then went back to the beginning and read in French. My French is very basic (and my memory hopeless, just now) but I was able to translate a good deal. 😊 Thank you for ALL your marvelous posts. 🤗💖🙇‍♂️

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